Bonjour à tous
Ce topic est assez spécial car il porte sur la guitare que je vais faire à la rentrée, donc pas avant 5 mois
En cours de Projet et signature, on avait pour projet de designer une guitare pour un faux client alors je me suis dit, autant en profiter et faire ma 3ème guitare... La voici donc:
Introduction et intention :Pureté et simplicité, voilà ma ligne directrice dans mon travail de lutherie. À l'instar d'Apple avec son iMac, j'ai toujours aimé les objets rassemblant ces deux caractéristiques. Quand je disais que mon logo était inspiré des logos de Collings et Strymon, cela rejoint tout cela. C'est donc dans cette optique que je vais créer mon objet.
Il faut que je développe un peu plus la symbolique cachée derrière l'objet, je pense m'inspirer de la culture japonaise afin de réussir cela. La raison de ce choix? Tout d'abord, j'ai toujours aimé et admiré ce pays pour sa culture et sa philosophie de vie. Ensuite, un de mes rêves étant de partir là bas non pas pour m'y installer, mais pour m'imprégner de l'ambiance unique qui règne là-bas. Certains de mes luthiers préférés sont d'ailleurs japonais (Taku Sakashta et Michihiro Matsuda entre autres).
Taku SakashtaJ'ai choisi de prendre comme exemple ces deux guitares, car ce qu'elles dégagent me parle tout particulièrement. Je suis quelqu'un qui aime les choses traditionnelles, qui viennent du passé (probablement mon attirance aigüe pour tout ce qui touche à la musique des années 60/70 avec des artistes comme Pink Floyd, les Beatles ou Jimi Hendrix, entre autres)... mais plus récemment, je me suis mis à apprécier les artistes qui s'amusent à piocher dans les oeuvres de leurs ainés, pour ensuite créer quelque chose de plus personnel. Ne faut-il pas avoir la connaissance de ce qui a été fait auparavant pour commencer à innover?
Sur la photo de la guitare de Taku Sakashta, on peut voir qu'il a pris la guitare de forme Les Paul pour la transformer en Archtop (il était spécialisé dans ce type de guitare). Il a ensuite posé un cordier de sa propre invention, creusé des cavités de résonnance, fait ses filets en érable flammé (un bois que j'aime tout particulièrement) et utilisé beaucoup de fibre de carbone. Ce dernier point est l'exemple type d'une des techniques qui a émergé en lutherie ces derniers temps: l'utilisation de matériaux nouveaux autres que le bois.
Quand je regarde cette guitare, la sobriété me saute aux yeux: le noir est le plus présent avec la touche, la tête et l'ensemble de l'accastillage; la couleur jaune de la table tranche avec l'ensemble et la teinte ambrée des filets vient rehausser tout ça. Les ouïes ovales et symétriques apportent un exotisme certain à la guitare, j'ai l'impression d'admirer un bolide de course racé et fait pour les grandes performances.
La guitare de Michihiro Matsuda quant à elle, est dans la même veine que la précédente à la différence que c'est une guitare acoustique. Ce luthier japonais, installé aux États-Unis, a été l'élève du célèbre luthier Ervin Somogyi.
Ce qui m'a frappé en premier sur ses guitares, c'est son travail d'incrustation. On peut noter une certaine folie dans ces dernières quant à la disposition des motifs, mais si on regarde l'ensemble de plus près, la cohérence géométrique entre les éléments est là.
J'aime son étiquette d'intérieur de caisse et je pense de plus en plus à m'en inspirer pour créer la mienne. Elle est très sobre et dépouillé, mais elle contient tous les éléments nécessaires: le nom du luthier et sa signature manuscrite, l'année de fabrication et le numero de série.
La qualité des bois, de fabrication et de la finition est incroyable, ça ne se voit pas forcément sur cette photo, mais on est probablement dans le plus haut de gamme qui puisse exister sur une guitare. Étant donné que je veux créer des instruments plus qu'exceptionnels, ce luthier et ses créations me correspondent en tout et pour tout.
Michihiro MatsudaJe vais devoir également combler des vides, notamment en ce qui concerne le choix des codes de couleurs. Je vais notamment insister sur le choix des bois, leur association et leur disposition dans la guitare (ou entre eux). Cela me permettra d'installer une ambiance dans mon instrument et qui sait, en faire ma marque de fabrique. Je dois penser également à l'étiquette d'intérieur de caisse qui est pour moi un élément crucial pour ce qui est la signature du luthier (mais j'ai une petite idée sur la direction que je vais prendre, je vous en parlerais en temps et en heure)
Présentation de la proposition finale :Parmi les 3 guitares que j’ai conçues, j’en ai choisi une seule : celle à pan coupé Florentin
- Les bois :Elle aura sa table en épinette Sitka et son dos/éclisse en Palissandre. Son manche sera en Acajou du Honduras et sa fileterie en ébène. Le contraste sera très marqué. La couleur rosâtre du Sitka sera encadrée par la noirceur de l’ébène, comme un tableau. De plus, étant donné la façon dont on plie l’ébène, je ne mettrais pas de contre-filet d’éclisse, cela amènera un côté très épuré à la guitare, chose que je recherche précisément pour ce modèle. Le placage de tête sera en ébène.
Sa tête est inspirée du Shamisen, un instrument à cordes japonais, et du design de tête de Michihiro Matsuda.
Shamisen
Comme je l’ai dit dans mon introduction, le Japon me fascine et j’aime cette capacité qu’ont les Japonais à réussir à faire passer énormément de choses dans quelque chose de simple. Le chevalet est quant à lui, en harmonie avec le pan coupé en pointe et il amène un certain dynamisme à l’ensemble. C’est quelque chose qui m’a plu chez le luthier Mario Beauregard.
De plus, je trouve que le pan coupé vénitien (le rond) va très bien aux guitares électriques, mais il enlève toute dynamique à une guitare acoustique et étant donné que cet instrument ne possède pas tout l’accastillage en métal de sa sœur amplifié, il est pour moi primordial de créer un instrument ayant du caractère que ce soit dans ses courbes ou sa sonorité.
- La personnalisation de l’instrument :C’est une des étapes primordiales lors de la création d’un instrument de musique quel qu’il soit.
Pour moi, il y a deux façons de procéder : avec une étiquette d’intérieur de caisse, avec un logo positionné sur la tête de l’instrument.Ces deux méthodes ont une importance capitale. La première est en quelque sorte un bon de sortie de l’atelier pour l’instrument. En effet, le luthier le juge digne de porter son nom et c’est quelque chose de très fort! En ce qui concerne l’imbrication du logo sur la tête de la guitare, cela sert plus à attirer le regard et à reconnaître la guitare du premier coup d’œil.
Comme vous pouvez le remarquer sur la photo, j’ai incorporé mon logo sur la tête de mon instrument.
Pour l’étiquette d’intérieur de caisse que je vais joindre à tous mes instruments, je joue la carte du purisme et de la simplicité, car non seulement il y a peu d’inscriptions faites à l’ordinateur (juste le logo, le reste est écrit à la main), mais le carton est très discret et va directement à l’essentiel, sans fioriture.
- La Rosace :Comme vous pouvez le voir, tous les bois de la guitare se retrouvent ici : l’ébène, l’épinette et le palissandre. Vous pouvez admirer la rosace à la photo 9 et en page de présentation du dossier. Cette petite pièce de Marquetterie est la seule ornementation de la table (voir de la guitare s’il n’y a aucun filet de dos)… il est donc primordial de créer quelque chose de racé, en accord avec la guitare, et permet également au luthier d’apposer son coup de patte à l’instrument
Les lamelles de palissandre et d’ébène seront incrustées directement dans la table. Elles ne seront pas assemblées de manière traditionnelle, je trouve ça bien plus élégant dans le style et de plus, cela démontre une certaine habileté du luthier quant à l’art de l’incrustation.
- Le barrage :C’est le squelette de la guitare et chaque luthier s’inspire d’un barrage déjà fait auparavant, peu ont réussi à innover dans ce domaine (je pense notamment aux guitares Kasha), j’ai d’ailleurs joint une photo de barrages qui m’ont inspiré… étant un jeune apprenti luthier ce qui inclus des connaissances et une expérience moindre, je préfère ne pas me lancer dans une entreprise hasardeuse et compliqué mais je tient tout de même à garder un défi certain dans l’élaboration de mon barrage. J’ai donc décidé de créer un barrage en double X afin d’expérimenter autre chose que le traditionnel barrage en X de Martin, mais aussi pour donner à ma table une rigidité maximum afin de pouvoir lui apporter de la puissance et une réactivité hors norme.
- La présentation visuelle finale :J’ai joint au dossier des photographies grand format (c’est tout de même plus agréable que des photos jointes aux informations écrites) que j’ai libellé. Ce sera donc plus facile pour vous y retrouver.
Vue de face
Vue de dos
Voici les photos de la guitare vue de face et de dos. Pour les publier, j’ai également utilisé Autocad mais on peut les considérer comme des rendus finaux de dessin technique. Je pense que c’est important de joindre le matériel à partir duquel j’ai créé mes rendus Photoshop
Vue de face
Vue de dos
Rosace: deux ligne de palissandre, une ligne centrale d'ébène
Voici les rendus finaux de mon ultime proposition que j’ai pu créer grâce à photoshop. Comme vous pouvez le voir, j’ai utilisé des bois cités précédemment. La rosace de l’instrument fait également partie du lot
Acajou du Honduras
Ébène de Macassar
Palissandre Indien
Épinette
Ébène du Gabon
Voici un aperçu des bois que j’ai utilisés.
Les trois propositions :
Pour ce travail, j’ai décidé de produire un batch de 3 guitares, basées sur le modèle OM de Martin, que vous allez pouvoir admirer grâce aux images fournies dans ce dossier.
Comme vous pouvez le voir avec les images format Autocad que j’ai fournies dans ce dossier, les trois modèles sont semblables par leurs formes, mais diffèrent par leur pan coupé. J’ai décidé de présenter les trois types que l’on retrouve le plus souvent sur le marché de la guitare acoustique :
- Le pan coupé florentin
- Le pan coupé vénitien
- Un modèle où il n’y a pas de pan coupé
- Le travail photographique :
Vous pouvez voir la guitare dont je me suis inspiré, une OM construite par Raymond Kraut, ancien élève du réputé Ervin Somogyi. À ma grande surprise, ses modèles sont très très similaires à ceux du luthier Michihiro Matsuda dont je vous ai parlé précédemment.
Elle est au format Autocad comme les deux suivantes. Vous pouvez voir mon fameux système de barrage en double X de la table dont j’ai parlé dans la première partie, et celui du dos.
Nous avons ici les formes de tête et de chevalets propres aux trois propositions. Je les ai pensés afin qu’ils soient en harmonie avec la forme des caisses et de leur pan coupé… J’y reviendrais par la suite. Vous pouvez également voir la caisse de la guitare vue de profil, des découpes du manche à la première et à la neuvième frette, le talon de la guitare ainsi que le manche vu au niveau de son tenon. Ce sont des composantes essentielles du plan sans lesquelles je ne pourrais pas construire ma guitare.
C’est la dernière photo de la série autocad. Vous pouvez voir les 3 guitares assemblées. Celle que j’ai choisie a sa vue de face et de profil (c’est donc le modèle a pan coupé Florentin) parmi toutes ces photos, vous noterez que je vous ai épargné les cotations. En effet, le système de calque d’autocad permet de les désactiver, mais je peux tout à fait vous fournir une copie photo de ces derniers.
- L’originalité :Dans le cadre de notre court autocad de cette session, nous sommes en train de désigner ce qui sera notre troisième guitare. Nous avions le choix entre un modèle de facture classique, ou un modèle de facture acoustique. Le premier instrument que nous avons construit avec Laurent St Jacques faisait parti de la famille classique et même si ça m’a plus, je suis dans l’incapacité d’en tirer le maximum, car je suis un joueur de guitare électrique et acoustique… du coup, construire un instrument qui me frustrerait ne me plait pas beaucoup. Je suis donc naturellement allé vers la seconde option qui m’était offerte.
L’idée de faire un pan coupé ne me plaisait pas beaucoup, car esthétiquement, je trouve ça assez laid (et je pense qu’enlever une partie de la guitare influe ses capacités acoustiques même si l’endroit ou on le supprime n’est pas propice au son)… mais étant donné que je suis là pour apprendre et que dans ma vie de luthier, la fabrication de guitare à pan coupé me sera demandée, je trouve que c’est une occasion en or pour apprendre à en faire.
- L’esthétique :La couleur d’un bois et sa texture, c’est quelque chose qui est primordial dans le milieu de la lutherie. En effet, il ne suffit pas de créer un instrument qui soit agréable à l’oreille, il doit l’être à la vue. Une guitare magnifique se vendra bien mieux qu’une guitare laide. J’ai donc décidé de donner à chaque guitare sa propre identité grâce à des sets de bois différents.
La Florentine (le pan coupé pointu) : CETTE GUITARE A DÉJÀ ÉTÉ VUE DANS LA PROPOSITION FINALE.
La Vénitienne (pan coupé arrondi) aura une table en Épinette Sitka et son dos/éclisses en érable flammé. Sa fileterie sera en palissandre et son manche en érable flammé (mais si ce n’est pas possible d’en avoir à l’école, je vais devoir opter pour l’acajou du Honduras). Avec cette guitare, à l’instar de celle que je fais actuellement, le contraste sera particulièrement marqué. Encore un point de plus qui la différenciera de la Florentine. Les contre-filets noir blanc noir seront un atout de plus pour marquer le contraste. Le placage de tête sera en palissandre.
Pour le design de tête, j’ai décidé de rester dans la dynamique de rondeur du pan coupé tout en essayant de lui donner une certaine agressivité grâce à ses ailettes qui remontent vers le haut. Le chevalet quant à lui, est le juste milieu entre celui de la Vénitienne et celui de la sans pan coupé, il reste très simple dans sa forme, sans fioriture, cela fera de lui un chevalet relativement léger.
La sans-pan coupé quant à elle sera un peu spécial. Elle mariera les caractéristiques de ses deux sœurs. Sa table sera en Épinette Englemann, son dos/éclisse et sa fileterie sera en érable flammé. Pour son manche, comme la Vénitienne, cela dépendra du stock disponible. Avec ce modèle, je vais assouvir un désir un peu spécial, celui de faire une guitare totalement blanche et pure. La couleur laiteuse de L’Englemann se fondra avec l’érable. Pour la contre-fileterie sera simple (pas de noir blanc noir ou de blanc noir blanc), car cela amènera de la légèreté à l’ensemble. Le placage de tête sera en érable flammé.
J’ai fait pour cette guitare une tête toute en rondeur. On peut d’ailleurs noter une influence Gibson, mais ce n’était pas du tout le but, quoique les Electric Spanish de la marque possèdent deux pans coupés de ce type. Je l’ai fait volontairement simple (même optique que la Florentine). Le chevalet quant à lui est totalement à l’opposé des deux autres. Il est très rond dans ses extrémités et les courbes ne sont pas dans l’excès. Je trouve qu’il dégage quelque chose de zen qui va à ravir avec l’instrument… l’absence de pan coupé et ses formes très prononcées lui donnent d’ailleurs un air de guitare classique.
Toutes les touches et les chevalets des trois instruments seront en ébène, car c’est à mon avis ce qui est le plus beau.
- Mes influences :Des luthiers m’inspirent chaque jour pour mon travail en tant qu’apprenti luthier. Je pense que tout le monde doit avoir des modèles à suivre dans quelque secteur que ce soit. Pour moi, ce sont les luthier Michihito Matsuda, Ervin Somogiy et Mario Beauregard
Mario BeauregardMichihiro MatsudaErvin Somogiy La technique : les questions posées à mes enseignants, et leurs réponsesIl est fort difficile de me prononcer sur ce point pour le moment, car apparemment, les techniques de fabrication sont différentes de celles que l’on a abordées jusqu’alors… C’est donc le moment de poser des questions au professeur :
- Entre les pans coupés vénitiens et florentins, quelles sont les différences de fabrication?
Elle se fait sur les matériaux employés (gros tenon pour le pan coupé à la Florentine, simple collage pour Vénitien)
- L’un est-il plus difficile à fabriquer que l’autre?
Le Florentin
- Plus long?
Pas de grosse différence, mais c’est le Florentin qui remporte la palme
- Comme on ne peut pas utiliser de moule, comment va-t-on procéder?
On utilise un système de rondin dans un solera
Petites réflexions : Par contre, il faut savoir que certains bois sont plus difficiles à plier que d’autres… du coup, pour l’érable flammé par exemple, je vais devoir y aller très doucement alors que le palissandre se travaille plus facilement.
- Fonction/sonorités :Toutes les guitares ont les mêmes fonctions : donner du plaisir à l’utilisateur et lui permettre de créer la musique qu’il a envie… mais mes trois guitares ont chacune leurs particularités :
- La Florentine: J’ai choisi l’Épinette Sitka et le Palissandre afin qu’elle puisse donner tout son potentiel lorsque l’on joue au médiator. Elle saura d’ailleurs parfaitement compléter ma première acoustique qui est dédiée au jeu en picking. Le son sera chaud et mordant.
- La Vénitienne: Son dos/éclisses en érable et sa table en Épinette Sitka va en faire une guitare qui favorisera les hautes fréquences, et plus particulièrement les hauts médiums, seront favorisés. La projection sera puissante et se détachera parfaitement du mix.
- La sans pan coupé : Avec sa table en Englemann et son dos/éclisse en érable, cette guitare sera parfaite pour le jeu en finger picking. L’Englemann apportera une douceur au son tandis que l’érable amènera une touche d’agressivité. Avec cette guitare, le musicien pourra s’exprimer quand bon lui chante.
- Le coût de production de la guitare :Le prix de vente de cette guitare est de 5395 dollars (en arrondissant à la dizaine, cela nous donne $5400). C’est un prix assez élevé en prenant en compte mon statut de jeune luthier, mais au vu des bois utilisés, ça a du sens. J’ai pris en compte que mon atelier est particulièrement bien équipé ce qui fait monter les charges à payer (ainsi que les frais liés à ma voiture).